MONSens – Mons2015

article, interview
Po B. K. Lomami, Mons2015
Mons, Belgium, 2015

MONSens ne se limite pas à l’exposition au BAM. Il est multiforme et se prolongera hors les murs avec DADA, un projet de théâtre inclusif où seize résidents du Carrosse s’empareront de la scène de l’auditorium Abel Dubois avec humour, audace et poésie les 4, 5, 6 et 8 septembre prochains. 

Mélange de théâtre, danse et musique, cette première en Belgique francophone est l’aboutissement d’une inspiration commune des acteurs et de la metteuse en scène Caroline Rottier. L’expérience MONSens commencée au musée poursuit donc sa route sur les marches du spectacle vivant. Retour sur cette exposition dédiée à l’art brut qui se tient au BAM jusqu’au 6 septembre.
Art brut

Cet art considéré « en marge » défie les conceptions de l’Art par ses univers surprenants, honnêtes, violents, ‘naïfs’, intenses, d’une expression bouleversante. Présenté au BAM (Beaux-Arts Mons) à travers l’exposition MONSens, il invite les visiteurs à reconsidérer leurs conceptions. Qu’est-ce l’art ? Cette question en suspens et sans réponse finale interroge les sens et les émotions des spectateurs. Nous avons pu en faire l’expérience durant une visite avec les deux commissaires Carine Fol et Yolande De Bontridder.

Les œuvres exposées n’ont pas toujours été créées avec la conscience de faire une œuvre d’art ou avec l’ambition de montrer au public. Carine reste donc très prudente par rapport à son pouvoir de commissaire. Elle tient à rencontrer les artistes chaque fois que cela est possible afin de discuter de la façon d’exposer leurs œuvres. Un des messages fondamentaux de son projet est de rester humble, d’avoir un respect pour l’autre quel qu’il soit, dans toutes ses identités que ce soit un artiste professionnel ou considéré comme différent.

Interaction

Le second volet de l’exposition, « Interaction », présente le résultat d’ateliers mêlant artistes contemporains (Cléa Coudsi et Eric Herbin, Lise Duclaux, Yves Lecomte, Mireille Liénard, Emilio Lopez-Menchero, Caroline Rottier et Tinka Pittoors) et résidents du Carrosse. Il exprime un signal fort quant à l’inclusion des personnes considérées comme ayant une déficience mentale dans la société mais brise aussi les codes d’une exposition classique par l’expression et le questionnement qu’il impose que ce soit avec un champ de fleur, une capsule sonore géante ou encore un défilé de têtes monumentales face à de sombres miroirs. Il me semble que cela soulève même la question, plus importante encore, de la co-inclusion, c’est-à-dire la capacité des artistes et des visiteurs à se repenser eux-mêmes en présence de l’autre. Celle-ci se relfète jusque, si pas d’abord, dans le vocabulaire employé et ce qu’il comporte de sens et souvent de violence, parfois inconsciente ou inconsidérée. La qualité et la créativité artistique exposées renversent inévitablement les perspectives et nous renvoient notre propre regard après se l’être d’abord accaparé. A nous de le soutenir. 

Par ces divers ateliers de musique, de théâtre, d’art-plastique (dessin et sculpture), de botanique et autres, « Interaction » est une grande aventure qui relie le milieu des résidents à celui des artistes reconnus. Recherches, questionnements, conflits, dépassements de limites, techniques précises, déplacements des statuts sociaux et créavité, les résidents sont au coeur et artistes-acteurs de ce projet d’art contemporain. C’est un processus créatif long et riche qui ne s’arrêtera pas à l’exposition mais se poursuivra à travers les ateliers désormais installés dans les institutions praticipantes. Yolande De Bontridder, co-commissaire de ce volet, nous en explique sa conception.

En-dehors des cadres, en-dehors des murs

Au-delà du plaisir de la découverte offert aux visiteurs, il est important de ne pas dénuer l’art de son bagage politique. L’art brut, outsider de l’art contemporain, vit un grand tournant depuis plusieurs années. Il s’en trouve petit à petit démarginalisé mais devient aussi par ailleurs la cible d’un marché avec ses inégaltiés de pouvoir pour des artistes en situation de vulnérabilité. La reconnaissance porte toujours en elle un enjeu de taille mais les clés se trouvent peut-être dans ce qu’est l’art brut lui-même, une expression spontanée et directe, ou ce qu’il n’est fondamentalement pas, une intellectualisation pour concept rentable. Les possibles sollicitations insistantes, les tentatives de contrôle extérieur, les pressions à l’académisation ou encore la soumission au marché vont à l’encontre même de l’art brut et du travail de Dubuffet. Une façon de résister est encore de refuser d’effacer la vie des artistes, racine de chaque oeuvre. Ce sont des pistes de réflexion que je vous propose d’emmener avec vous.